L’Amérique qui poignarde son ami dans le dos est-elle un partenaire fiable ?

RCI 2018-08-13 16:05:46
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L’Amérique qui poignarde son ami dans le dos est-elle un partenaire fiable ?

Le président américain, Donald Trump, a annoncé, vendredi 10 août, sur son compte tweeter, le relèvement des tarifs douaniers respectivement à hauteur de 50 et 20% sur l’aluminium et l’acier produits en Turquie. Cette annonce survient dans un contexte particulier, marqué par la chute libre de la monnaie turque. Il y a quelques jours, le Département au Trésor américain avait annoncé le gel des biens aux Etats-Unis des ministres turcs de la Justice et de l’Intérieur. En prenant cette décision, les  Etats-Unis n’ont pas hésité à porter un coup de poignard à la Turquie, un de leurs alliés. Alors quelle sera leur attitude quant à d’autres pays ? Est-ce que l’Amérique est un membre fiable et responsable de la communauté internationale ? On ne peut pas s’empêcher de s’interroger.

En fait, cette interrogation ne date pas d’aujourd’hui. L’année dernière, à l’issue du Sommet du G7 qui s’est tenu à Sicile en Italie, la chancelière allemande Angela Merkel a déjà émis des doutes quant à la sincérité de certains pays qui se disent partenaires de l’Europe. Sans aller par le dos de la cuillère, Mme avait déclaré ceci : « L’époque où nous pouvions  faire confiance à nos partenaires est partiellement passée. Je l’ai bien éprouvé ces derniers jours. Nous, les Européens, devons prendre en main notre propre destinée. » Si l’on remonte plus loin dans l’histoire, l’on se rendra compte que les Kurdes irakiens ont également une expérience amère avec les Américains. Dans les années 1970, cette minorité vivant en Irak avait été abandonnée à son triste sort par l’Amérique lors d’une rébellion menée contre le pouvoir de Bagdad. Alors les Etats-Unis leur avaient promis tout leur soutien dans ce mouvement de rébellion. Une volte-face américaine qui a coûté la vie d’un grand nombre de Kurdes.

Dans ce contexte aussi flou, une question mérite d’être posée : quelle est alors la politique étrangère des Etats-Unis ? Ces dernières années, « America First » est sans doute la réponse la plus claire et la plus directe.

 « America First » s’entend notamment par le manquement de responsabilités et de ses engagements. L’Accord de partenariat transpacifique, conclu par 12 pays après de nombreuses années de négociations, a été annulé quatre jours après l’investiture du président Donald Trump. Même chose pour l’Accord de Paris sur le climat. L’Administration qui n’a pas tenu compte de l’importance de cet accord qui vise à contrôler le réchauffement climatique, s’en est aussi facilement retiré, ignorant que le document signé dans la capitale française était le fruit du consensus international obtenu au prix de longues et dures années de négociations. Pour justifier son retrait de l’Accord, l’Administration a prétexté que celui-ci fait obstacle au développement économique des Etats-Unis.

Et l’Administration américaine n’en finit pas d’étonner le monde en se retirant d’un des plus importants accords qui devraient garantir la paix et la sécurité internationale. Il s’agit de l’Accord sur le nucléaire iranien, signé en juillet 2015 par  les Etats-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Iran lui-même. Egalement obtenu au bout d’âpres négociations qui ont duré de nombreuses années. Washington comme à son habitude a déchiré le document après l’avoir regardé comme un papier de rebut.

Comme si cela ne suffisait pas, les Etats-Unis se sont retirés depuis l’année dernière de l’Unesco et du Conseil des droits de l’homme de l’Onu. Un pays qui peut abandonner à tout moment ses engagements internationaux et refuse d’assumer ses responsabilités internationales, mérite-il le respect et la confiance des autres pays ? Même sur le plan des relations bilatérales, un tel pays éveille des soupçons. L’imposition par l’Amérique de droits de douane supplémentaires sur les produits chinois alors qu’un accord avait été conclu peu avant, c’est-à-dire, au mois de mai, est une preuve que les Etats-Unis ne méritent pas confiance.

Derrière les conflits survenus ces dernières années entre la Turquie et les Etats-Unis, il existe plusieurs causes profondes. Certes, la raison fondamentale, c’est que les Etats-Unis veulent avoir la mainmise sur la Turquie au niveau politique. Pour cela, l’Amérique a intervenu dans la tentative de coup d’Etat de 2016 en Turquie, et soutenu les Kurdes en Syrie. Lorsque la Turquie avait arrêté le pasteur américain Andrew Brunson accusé de terrorisme en refusant de le libérer, les Etats-Unis ont mis une pression extrême sur la Turquie en annonçant des sanctions économiques dont l’augmentation de droits douaniers sur les produits turcs et le gel des avoirs aux Etats-Unis de hauts fonctionnaires turcs.

Néanmoins, la Turquie n’est pas le seul et l’unique partenaire commercial des Etats-Unis à être surtaxé. Sur le plan commercial, les Etats-Unis ont choisi de contourner le mécanisme multilatéral incarné par l’OMC. En recourant à l’unilatéralisme, ils ont imposé, en vertu des lois nationales,  des droits de douane supplémentaires aux produits en provenance de leurs partenaires commerciaux. Pour cela, l’Amérique a châtié ses alliés et ses principaux partenaires commerciaux, y compris l’Union européenne, le Canada, le Mexique, la Russie, la Chine, la Turquie et l’Inde. Une Amérique qui ne respecte pas les règles internationales, est-elle fiable ?

Seule superpuissance du monde, l’Amérique recherche une sécurité absolue sans tenir compte de celle des autres pays. Le budget de la défense des Etats-Unis pour l’année 2019 s’élève à 717 milliards de dollars, une somme supérieure à un total d’une dizaine de pays derrière eux. Toutefois, il semble que ces dépenses ne sont pas suffisantes pour protéger la sécurité américaine. Le vice-président des Etats-Unis a récemment appelé le Congrès américain à allouer 8 milliards de dollars supplémentaires pour mettre en place une « force spatiale » à l’horizon de 2020. Un signe qui n’annonce pas moins le début de la militarisation de l’espace. Une fois que cette boîte à Pandore sera ouverte, les autres pays n’auront pas d’autre choix que de s’engager dans une course aux armements afin de renforcer leur propre sécurité. La Planète sera sans doute dans une tourmente sécuritaire.

« Etre l’ennemi des Etats-Unis est terrible, mais être leur ami est plus terrible», affirme un dicton très répandu dans le milieu diplomatique du Moyen-Orient. Les Etats-Unis ont envahi l’Iraq en s’appuyant sur de fausses preuves. Saddam Hussein a été exécuté. Alors, les amis des Etats-Unis ? Les dirigeants de certains pays de cette région du monde ayant fait confiance aux Etats-Unis, y compris l’ancien président égyptien Hosni Moubarak, ont fini par être abandonnés à leur triste sort en attendant en vain le coup de main de Washington lors du « Printemps arabe » en 2011.

Aujourd’hui, la Turquie fait face à d’énormes défis, mais elle n’est pas sans alternative. Le président turc Recep Erdogan a déclaré clairement lors d’un récent meeting que la Turquie avait d’autres choix, comme l’Iran, la Russie et certains pays européens. En fait, se rappelant des actes perfides et déshonorants de ses alliés, la Turquie s’est déjà préparée au Plan B.

Selon un sondage allemand mené en mai dernier sur le degré de fiabilité des Etats-Unis, 82% des sondés estiment que les Etats-Unis ne sont pas un partenaire fiable, alors que 36% estiment que la Russie est plus fiable. De toute évidence, ce ne sont pas seulement des Allemands qui pensent de la sorte. 

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