Commentaire: L’Europe n’a pas la taille pour digérer le soja que la Chine avait refoulé

RCI 2018-07-29 19:29:40
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Commentaire: L’Europe n’a pas la taille pour digérer le soja  auquel la Chine avait refoulé

Donald Trump et Jean-Claude Juncker ont décidé d’appuyer sur la pause au moment où les conflits commerciaux transatlantiques allaient monter d’un cran. Le 25 juillet, à l’issue de leur tête à tête de deux heures, les deux hommes sont convenus qu’il n’y aurait pas de nouvelle taxe punitive tant que les consultations se poursuivent.

La plan « Trois zéros » avancé par Trump, soit « zéro droit douanier, zéro barrière non tarifaire, zéro subvention non automobile » est pourtant interprété de manière différente aux deux côté de l’Atlantique.

« Nous venons de vous ouvrir la porte de l’Europe…Vous avez obtenu un marché immense », la déclaration a été faite le 26 juillet par le président américain dans un meeting dans  l’Iowa, état agricole au centre-ouest. Pour mieux illustrer son message, il a sorti une casquette verte sur laquelle on lisait en lettre jaune Make farmers great again : rendre les paysans américains grands de nouveau. Pourtant les résultats des derniers sondages confirment bien la chute de la popularité de Donald Trump dans cet état qui le soutenait lors des élections en 2016.

«Notre point de vue, c’est que nous discutons de l’agriculture. Point final. » Robert Lighthizer, le représentant américain au commerce a ainsi tranché le même jour lors d’une audience au congrès.

Outre Atlantique malheureusement, l’Union européenne a affirmé : L’agriculture ne fait pas partie ( des négociations), seuls les dossiers mentionnés dans la déclaration en font partie.

Le président français Emmanuel Macron et le premier ministre espagnol Pedro Sanchez rejoignent à la contestation. Macron déclare ne pas souhaiter procéder à des négociations de la taille du PTCI, le partenariat transatlantique de commerce et d'investissement, parce qu’un bon accord commercial, soutient-il, ne peut être établi que sur la base de l’équilibre et des avantages réciproques, au lieu de s’obtenir par la menace. Selon le président français, l’agriculture ne doit faire l’objet de quelconque accord commercial, car il ne faut pas rabaisser les critères européens en termes d’environnement, de santé et d’aliment.

Pedro Sanchez déclare quant à lui vouloir “ défendre la politique agricole commune (de l’UE)”. « L’Espagne ne croit pas à l’unilatéralisme, dit-il, elle n’accepte pas qu’une économie particulière impose aux autres ses politiques et normes. »

Pourquoi les Européens et les Américains ne parlent pas sur une même longueur d’onde au sujet de l’agriculture ?

Le secteur occupe une place délicate dans le commerce transatlantique. Américains et Européens tentant tous de protéger et de développer leur propre agriculture. Les chiffres de l’UE établissement à 59 milliards d’euros, soit 68 milliards de dollars la subvention que Bruxelles accorde annuellement à l’agriculture. Dans le cas des Etats-Unis, selon The Economiste citant les chiffres de l’OCDE, les paysans américains ont reçu, pour la seule année 2016, des subventions pour une valeur totale de 33 milliards de dollars.

Les conflits américano-européens à propos de l’agriculture ont grandement contribué à l’avortement des négociations du PTCI qui ont duré trois ans sans aboutir à rien. L’Europe a voulu interdire à certains produits américains d’accéder à son marché avec le système d’IGP, indication géographique protégée, l’idée qui a rencontré la ferme opposition des Etats-Unis. L’Europe a en outre interdit l’importation des produits génétiquement modifiés Made in USA.

Ces comportements en disent beaucoup sur une vieille angoisse qui hante Bruxelles : l’agriculture européenne avec sa traditionnelle exploitation familiale n’est pas en mesure de concurrencer l’industrie agricole moderne des Etats-Unis. Bien que selon Wall Street Daily, l’UE a réalisé l’an dernier 9 milliards 400 millions de dollars d’excédent dans ses échanges agricoles avec les Etats-Unis.

Deuxième question : l’UE a-t-elle les capacités pour sortir Washington de l’impasse du soja créée par la riposte de la Chine ?

Non, d’après Bloomberg News. Certes, l’Europe représente une des rares alternatives des cultivateurs du soja américains. Le pouvoir d’achat du marché européen est pourtant loin d’être comparable à celui du marché chinois. Contre les 12,3 milliards de dollars de soja américain que la Chine a importé l’an dernier, l’UE n’en a acheté que pour 1,6 milliards de dollars. Pour l’année 2018-2019, la demande du marché européen est estimée à 15,3 millions de tonnes, mois du sixième du volume que la Chine aurait pu acheter. L’Europe n’a les moyens ni pour réparer les pertes des paysans américains ni pour soulager Donald Trump et les dépités républicains qui se retrouvent sous de lourdes pressions politiques.

Reuters a  bien expliqué la situation avec son titre Discount not discourse to boost U.S. soy sales to EU : c’est la baisse du prix et non la baisse du ton qui a stimulé la vente du soja américain à l’Europe. Le dernier accord transatlantique n’est donc que symbolique. En effet, bien avant la rencontre Trump-Juncker, l’UE avait déjà augmenté son importation du soja américain, pour raison du prix. Ainsi, la tonne du soja américain qui arrivera en août coûterait moins de 20 dollars que la tonne du soja latino-américain. L’Europe est d’accord pour acheter plus de soja américain, mais le volume des importations ne dépendra que du marché, a affirmé à l’AFP un haut responsable de l’UE.

Comme l’a indiqué Mother Jones, le soja américain ne représente que le tiers des importations européennes du soja. Le marché européen, même s’il en achète plus, ne contribuera que de manière très limitée à la résolution du problème. Le prix du soja américain est remonté à 8,59 dollar le boisseau en raison notamment des négociations américano-européennes et des subventions financières de Washington, les paysans ne gagneraient toujours rien avant que le prix ne s’élève jusqu’à 10,05 dollars le boisseau, selon les analyses des chercheurs de l’Université de l’Illinois.

Ce dont ont besoins les paysans américains en tous cas, c’est un marché stable et non les chèques de Washington. Alors que le nouveau marché que Trump leur a trouvé en Europe n’a pas du tout la bonne taille pour pouvoir digérer le soja que la Chine avait rejeté.

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